CONFERENCE A L’INSCAE : regarder notre passé industriel pour redéfinir notre futur

Lors de la conférence organisée par l’INSCAE sur le développement des pays insulaires, le SIM, par son Président, M. Tiana RASAMIMANANA, a eu l’honneur d’intervenir en tant que paneliste sur le thème : l’insularité de Madagascar est-elle une opportunité ou une contrainte ?

Ce sujet, au cœur des enjeux de développement de notre pays, invite à une réflexion approfondie sur les atouts uniques de notre île et les défis qu’il reste à relever collectivement. À travers des messages forts, M. Tiana RASAMIMANANA a ouvert la réflexion avec une métaphore simple mais percutante :

« Quand nous nous préparons pour un événement prestigieux, nous nous habillons soigneusement, nous nous regardons dans le miroir et nous nous disons : qu’est-ce que je suis élégant. Mais après, la vraie question est de savoir si, dehors, les autres nous verront de la même manière.

Madagascar est un peu comme cette personne devant le miroir. Nous nous disons souvent que nous sommes uniques, que nous avons des atouts exceptionnels. Mais qu’en est-il du regard extérieur ?

Prenons l’exemple de Singapour. Une île qui, comme Madagascar, aurait pu percevoir son insularité comme une limite. Pourtant, ils ont transformé cette caractéristique en un avantage stratégique. Là-bas, même à 3h du matin, les rues sont sûres, et les piétons respectent les feux rouges, même en l’absence de véhicules. Cela témoigne d’une discipline collective et d’un respect des règles qui restent encore éloignés de notre quotidien à Madagascar.

Un héritage qui divise et freine l’unité nationale

Nous avons une histoire qui nous a façonnés, mais qui nous a également isolés. Nos divisions internes – entre Merina, Côtiers, Andriana, Karana, et bien d’autres communautés – freinent notre unité nationale. Ailleurs, comme au Gabon, les collaborations transcendent les origines ; même le Président ivoirien, dit-on, aurait des origines burkinabées. Ces nations ont su dépasser ces clivages pour progresser ensemble. Mais à Madagascar, comment évoluons-nous ? Nous sommes encore isolés sur notre île, fragmentés par nos divisions internes.

C’est comme si nous dormions sur un lit dans un bidonville, mais ce lit repose sur une tonne d’or. Nos ressources et nos opportunités sont là, mais nous manquons d’une vision commune pour les exploiter pleinement.

Une responsabilité collective entre les dirigeants et les citoyens

Certes, les dirigeants ont leur part de responsabilité, mais nous, citoyens, avons également la nôtre. Qu’avons-nous fait pour renforcer notre économie, pour bâtir un avenir meilleur ? La discipline doit commencer chez chacun de nous. À Singapour, la discipline collective a permis un développement durable et inclusif. À Madagascar, nous avons encore du mal à respecter des règles simples, à adopter des comportements qui favorisent la cohésion et le progrès.

Regarder notre passé industriel pour redéfinir notre futur

Dans les années 1960, Madagascar était un pays industriel. Nous avions des usines de montage automobile, des unités de transformation agroalimentaire et des industries textiles. Aujourd’hui, ces secteurs sont en déclin, et nous avons parfois l’impression de régresser. Pourquoi ? Est-ce parce que nous n’avons pas su nous adapter, ou parce que nous nous sommes laissé enfermer dans des habitudes qui ne favorisent pas l’innovation et la compétitivité ?

Nous devons changer notre manière de penser et de travailler. Cela passe par la recherche de partenaires stratégiques et par une réflexion sur notre mentalité collective. Il est temps de dépasser nos divisions et d’embrasser une vision commune tournée vers le progrès.

Abandonner une mentalité destructrice

Une des faiblesses qui freinent notre nation est notre propension à critiquer la réussite des autres. Au lieu de célébrer et de s’inspirer des réussites, nous avons tendance à chercher à rabaisser. Cette mentalité ne fait que nous détruire collectivement. J’ai entendu une anecdote : un Malgache et un Américain discutaient. Une personne passe avec une belle voiture devant eux. L’Américain dit : « Il a sûrement travaillé dur pour s’acheter cette voiture. » Le Malgache répond : « Quand cette personne aura-t-elle un accident pour qu’elle marche à pied comme moi ? »

Cette mentalité, ce plaisir malsain de voir l’autre échouer, est un poison pour notre société.

Un appel à l’action

Dirigeants, citoyens, nous tous, nous avons la responsabilité et le devoir de bâtir un avenir où notre insularité sera une force et non une contrainte. Cela commence par une transformation de nos mentalités, une discipline collective, et une volonté de collaborer au-delà de nos divisions. Madagascar peut être une terre d’opportunités, mais il est temps de sortir de nos illusions et de regarder la réalité en face.

« Le moment d’agir, c’est maintenant. »